La pluie avait effacé les traces, elle diluait le sang et lavait les corps. Je n’avais jamais vu autant de sang. J’enregistrais les images, un film en continu, 24 images seconde… Gros plan sur le couteau. Alors ca y’est ? Je l’ai fait.
Je suis Dorota, je viens de Novosibirsk. J’ai 27 ans et je voyage. J’avance aux coups de reins. Je paye mes kilomètres à quatre pattes avec des inconnus. Je bouffe des chattes pour des billets d’avion. Je ne ressent rien , ma chair est morte, je n’ai jamais rien ressenti.
J’ai tenu ma main au-dessus de la flamme jusqu’à ce que l’odeur alerte ma mère. Tout le monde criait, je n’avais pas mal, je ne sentais rien. Je n’ai jamais rien senti. Je ne suis qu’à moitié vivante car je n’ai pas de terminaisons nerveuses. Ma chair est morte, je suis morte en naissant, tout comme vous. Mais plus que les autres, parce que moi je ne goûte rien.
Mon nez ne sent pas, ma bouche ne savoure pas, mon sexe ne jouie pas, mes mains ne devinent pas, mon corps ne vous ressent pas. Je ne fais que voir et entendre. Entendre et voir. Voir et entendre. Tout le temps, en boucle.
Alors je cherche. Des nouvelles choses à montrer à mes yeux, des nouveaux sons qui violent mes oreilles. Jusqu’à ce que je trouve ce qui me fera vibrer, ce qui me fera renverser la tête et hurler de plaisir. Comme ces actrices dans les films que je regarde sans comprendre. Je cherche le plaisir des autres, comme un junky guette son dealer.
C’est comme ça que j’ai croisé Camille. J’avais repéré son petit jeu. Je l’avais vu lécher ses doigts après avoir passé sa main sur un mur encore suintant du plaisir d’un couple. Elle ne cherchait pas la même chose que moi. Mais il y’avait en elle cette folie qui m’excitait. Ce regard entre deux mondes. Elle avait l’aura crépitante des saints et des martyrs. La faiblesse dans la chair, à l’écoute de ses envies. Pas plus forte qu’un animal, mais tellement plus humaine.
Son regard basculerait ma vie, ça je le sentais. Aux pieds d’un temple en Thaïlande un moine bouddhiste me le confirmerait un jour.
- Tu n’es déjà plus là, tu es partie avec elle, mais toi tu attends le vent qui vous réunira.
Et j’ai senti dans le vent, l’extrême qui s’approchait. Ce moment, où le zéphyr devient tempête. Celui qui apporte les changements et que la chair écoute. Mes oreilles font écho à mon cœur. Mon cœur fait écho à mon excitation. Mon excitation balance avec le vent et se bouscule pour m’apaiser. Camille souffle avec le vent…
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