le blog hard-core
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Camille n’aime rien sauf la chair. Elle a tué pour mieux voir, elle voulait sentir la vie dans la moindre molécule des tissus qu’elle déchirait.
Les Khmers nous suivaient depuis 3 heures quand ils nous ont arrêté. Ils voulaient l’argent, les Travellers Checks, les bijoux, les sacs. Camille n’a jamais peur, elle a dit non en riant. Elle a dansé son non, en tournoyant, les bras au ciel. Elle était NON, souriante et heureuse du danger. C’est quand ils ont eu peur qu’elle a sorti son couteau. Tout a été si vite. La première image a tranché la viande. La deuxième a vu jaillir le sang. La troisième a pris les vies. Deux vies dans un éclat de rire, deux toute petites vies, de celles qui ne comptent pas, de celles qui sont là pour ça. Le Karma.
La chair est comme la fleur de lotus, à peine rosée par endroits, puis plus rouge là où le sang l’irrigue encore. Camille respirait, émerveillée, comme vivante, enfin.
Et moi je comptais soigneusement mes images, les rangeant dans l’ordre de mon film, celui que j’allais me repasser en boucle pendant des années. 24 images seconde. Sous le soleil d’Angkor-Vat.
J’ai ressenti dans mon ventre la douleur de la déchirure des chairs.
Tes baisers sont comme autant de caresses. Des velours de rose posés sur ma peau, baisers de vampires, rouge baiser, indélébiles. Et après tu exiges que je te raconte mes sensations, jusqu’à tes larmes que je dois aussi bercer sur ma langue.
J’ai coupé ma peau pour te montrer ma chair, j’y ai frotté des pigments pour essayer d’être enfin vivante, tatouage sauvage indolore, bleus pas éphémères. Parée pour la danse de l’Apsara, entre deux battements de coeur, l’âme accroché dans les étoiles. J’ai posé les sonnailles à mes articulations offrant le rythme à notre film, seules sensations qui résonnent encore et toujours dans le vent.
Je suis la pierre sous l’étreinte des racines du banian, je suis la danseuse sacrée qui porte sa mémoire dans le tintement des grelots qui ornent ses chevilles... Je suis le vent qui soulève les feuilles, je suis la pluie qui lave le sang.
L-Hard-Core